Wednesday, September 23, 2020

Cours n°3 Salammbô de Gustave Flaubert adapté par Philippe Druillet

Corrigé comparez l'extrait du roman de Claudel et celui de la BD Le rapport de Broddeck. Le roman comporte de nombreux traits de styles (figures) : Ces traits de styles sont-ils représentables (figurables) ? Comment s'y est pris Larcenet ?


L'extrait du roman se situe dans la maison du maire. Celui-ci a déjà obligé Broddeck à rédiger un rapport pour couvrir le crime commis par la communauté des villageois. Il menace ici à mots couverts Broddeck de le jeter au porcs, et de partager ainsi le sort de "l'Étranger".

L'extrait s'ouvre sur une "image verbale" puissante : "l'or des Orschwir, c'est les porcs". Une image combinant une métaphore (or=porcs), une assonnance /or/ répétée trois fois et une antithèse (or versus porcs). Par ailleurs, Claudel fait une description effrayante de ces animaux comparés à des fauves et à des créatures monstrueuses et fantastiques ("géants... métamorphoses" ou "baleine terrestres..."). 

Le narrateur se rappelle le temps de la guerre où les Fratergekeime avaient envahit le pays. On comprend qu'il s'agit de l'occupation allemande, des exactions et de la cruauté des occupants et de la collaboration du maire du village qui a continué à faire du commerce et à s'enrichir malgré la guerre. 

Suit une présentation de trois enclos qui correspondent à trois étapes dans l'existence des porcs (porcelets, jeunes porcs et porcs adultes) : les "trois âges de la vie". Ces trois âges font référence à un thème pictural fréquent et illustré par de grands peintres tels Dürer ou Gustave Klimt.

La menace, à mots couverts, consiste à faire comprendre au narrateur en quoi consiste la sagesse de ces porcs monstrueux : ceux-ci ne pensent qu'à manger et se posent pas de questions. On comprend devant l'insistance du maire que les porcs sont capables de faire disparaître un cadavre sans laisser aucune trace, "aucune preuve". Ce dernier mot emprunté au langage judiciaire ne laisse aucun doute sur la portée des allusions de l'édile : si Broddeck ne rédige pas correctement son rapport, il finira lui-aussi dans le ventre de ces fauves.  

Comment le dessin peut-il rendre une telle "image verbale" ? En effet, quand il s'agit de description, l'image se substitue aux mots mais quand il s'agit de métaphores, elles ne peuvent pas toujours être rendues par l'image. Il y a déperdition du sens contenu dans le texte.

- En revanche l'image ajoute un surcroît de sens. L'interprétation du dessinateur par l'image compense la déperdition de sens. Comment s'y prend-il ? Par la noirceur, la force des expression, l'enchaînement des vignettes.
 

- la langue du roman est simplifiée, épurée, essentialisée. Le texte est tronqué nécessairement (par un découpage). Le dialogue est simplifié voire, réécrit. ("de vraies fauves, sous leurs allures de baleines terrestres, des fauves sans coeur et sans esprit. Sans mémoire aussi" devient "ceux là sont de vrais fauves. Ils ressemblent peut-être à des baleines mais ce sont des fauves. Sans coeur, sans esprit, sans mémoire"). Le découpage narratif en vignette justifie la simplification. L'oralisation également. Mais aussi le travail d'épuration. La simplification est aussi un moyen d'aller à l'essentiel, au pur. La noirceur du trait soutient la pureté de l'évocation verbale.

- Larcenet parvient à produire un effet très spectaculaire qui consiste à ne faire qu'une case par planche, à ne donner qu'un des termes de la métaphore, l'autre étant représenté par un dessin : le récitatif ("L'or des orschwirs") complété par la case-planche ("deux porcs" en gros plan de face). Le connivence entre images et mots est ici parfaite. L'effet de l'antithèse est démultiplié.

- Le texte est parfois modifié pour servir la monstruosité : " ils ressemblent peut-être à des baleines mais ce sont des vrais fauves". Certains sont amplifiés en ajoutant des effets de styles "sans coeur, sans esprit, sans mémoire" (asyndète) et d'autres négligés comme la références aux "trois âges de la vie"...

Manu Larcenet est à la fois très respectueux de l'esprit du texte de Claudel et d'autres fois plutôt irrévérencieux.

Il n'est pas difficile de traduire le sens littéral... alors pourquoi ne pas s'en contenter ? Dans les romans le sens figuré (métaphores et autres figures sémantiques) est important. Il faut se demander à quoi sert une métaphore... Est-ce un simple ornement ? Est-ce utile de chercher à la "traduire en image" ? Pourquoi est-ce plus difficile à dessiner ? 


1 - Deux extraits du roman Salammbô de Gustave Flaubert
Texte intégral : https://www.ebooksgratuits.com/ebooksfrance/flaubert_salammbo.pdf

2 - Trois extraits de l'adaptation du roman Salammbô par Philippe Druillet

3 - Deux extraits d'entretiens
  • France info "culture box" : https://culturebox.francetvinfo.fr/livres/bande-dessinee/philippe-druillet-parle-de-son-salammbo-de-flaubert-en-bd-et-de-son-exposition-263109
  • Le Monde : "Druillet fantasme Salammbô nue" (9 juin 2010)

4 - Un exercice pratique à partir du chapitre 2 du Traité de dessin d'Alfred-Georges Regner "Blanc sur noir ou noir sur blanc"




I - Préambule de l'adaptation du roman Salammbô par Druillet : Flaubert, un prétexte ? Le roman de Flaubert n'est-il qu'un prétexte pour développer l'imaginaire de la science-fiction de Philippe Druillet et en particulier de son personnage-phare Sloane ?



II - Incipit du roman de Flaubert Salammbô et la transposition par Philippe Druillet : Découpage du texte et réécriture. Comment Druillet s'y prend-il pour adapter un roman si riche ? 


Chapitre 1
Le festin 

Extrait 1 :

C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. 
Les soldats qu'il avait commandés en Sicile se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Eryx, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. 
Les capitaines, portant des cothurnes de bronze, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais ; le commun des soldats était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves. 
Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins : un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts. 
Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marche la proue d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar. 
Le Conseil leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les convalescents qui couchaient dans le temple d'Eschmoûn, se mettant en marche dès l'aurore, s'y étaient traînés sur leurs béquilles. A chaque minute, d'autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac. On voyait entre les arbres courir les esclaves des cuisines, effarés et à demi nus ; les gazelles sur les pelouses s'enfuyaient en bêlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l'exhalaison de cette foule en sueur. 

Gustave Flaubert, Salammbô, Paris, Garnier-Flammarion, p. 28-29.



III - L'apparition de Salammbô : 


Le palais s'éclaira d'un seul coup à sa plus haute terrasse, la porte du milieu s'ouvrit, et une femme, la fille d'Hamilcar elle−même, couverte de vêtements noirs, apparut sur le seuil. Elle descendit le premier escalier qui longeait obliquement le premier étage, puis le second, le troisième, et elle s'arrêta sur la dernière terrasse, au haut de l'escalier des galères. Immobile et la tête basse, elle regardait les soldats. 
Derrière elle, de chaque côté, se tenaient deux longues théories d'hommes pâles, vêtus de robes blanches à franges rouges qui tombaient droit sur leurs pieds. Ils n'avaient pas de barbe, pas de cheveux, pas de sourcils. Dans leurs mains étincelantes d'anneaux ils portaient d'énormes lyres et chantaient tous, d'une voix aiguë, un hymne à la divinité de Carthage. C'étaient les prêtres eunuques du temple de Tanit, que Salammbô appelait souvent dans sa maison. 
Enfin elle descendit l'escalier des galères. Les prêtres la suivirent. Elle s'avança dans l'avenue des cyprès, et elle marchait lentement entre les tables des capitaines, qui se reculaient un peu en la regardant passer. 
Sa chevelure, poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges chananéennes, la faisait paraître plus grande. Des tresses de perles attachées à ses tempes descendaient jusqu'aux coins de sa bouche, rose comme une grenade entrouverte. Il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d'une murène. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaînette d'or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traînait derrière elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait. 
Les prêtres, de temps à autre, pinçaient sur leurs lyres des accords presque étouffés, et dans les intervalles de la musique, on entendait le petit bruit de la chaînette d'or avec le claquement régulier de ses sandales en papyrus. 
Personne encore ne la connaissait. On savait seulement qu'elle vivait retirée dans des pratiques pieuses. Des soldats l'avaient aperçue la nuit, sur le haut de son palais, à genoux devant les étoiles, entre les tourbillons des cassolettes allumées. C'était la lune qui l'avait rendue si pâle, et quelque chose des Dieux l'enveloppait comme une vapeur subtile. Ses prunelles semblaient regarder tout au loin au-delà des espaces terrestres.Elle marchait en inclinant la tête, et tenait à sa main droite une petite lyre d'ébène. 
Ils l'entendaient murmurer : 
— " Morts ! Tous morts ! Vous ne viendrez plus obéissant à ma voix, quand, assise sur le bord du lac, je vous jetais dans la gueule des pépins de pastèques ! Le mystère de Tanit roulait au fond de vos yeux, plus limpides que les globules des fleuves. "Et elle les appelait par leurs noms, qui étaient les noms des mois. 
— " Siv ! Sivan ! Tammouz, Eloul, Tischri, Schebar ! 
— Ah ! pitié pour moi, Déesse ! " 
Les soldats, sans comprendre ce qu'elle disait, se tassaient autour d'elle. Ils s'ébahissaient de sa parure ; mais elle promena sur eux tous un long regard épouvanté, puis s'enfonçant la tête dans les épaules en écartant les bras, elle répéta plusieurs fois : 
— " Qu'avez-vous fait ! qu'avez-vous fait ! 
— Vous aviez cependant, pour vous réjouir, du pain, des viandes, de l'huile, tout le malobathre des greniers ! J'avais fait venir des boeufs d'Hécatompyle, j'avais envoyé des chasseurs dans le désert ! " Sa voix s'enflait, ses joues s'empourpraient. Elle ajouta : " Où êtes-vous donc, ici ? Est-ce dans une ville conquise, ou dans le palais d'un maître ? Et quel maître ? le suffète Hamilcar mon père, serviteur des Baals !Vos armes, rouges du sang de ses esclaves, c'est lui qui les a refusées à Lutatius ! En connaissez-vous un dans vos patries qui sache mieux conduire les batailles ? Regardez donc ! les marches de notre palais sont encombrées par nos victoires ! Continuez ! brûlez-le ! J'emporterai avec moi le Génie de ma maison, mon serpent noir qui dort là−haut sur des feuilles de lotus ! Je sifflerai, il me suivra ; et, si je monte en galère, il courra dans le sillage de mon navire sur l'écume des flots. " 

Gustave Flaubert, Salammbô, Paris, Garnier-Flammarion, p. 35-37.

Comparez ce deuxième extrait de Salammbô avec son adaptation (points communs, différences, difficultés, pourquoi ?).



Comment Druillet s'y prend-il pour adapter un roman historique dans un univers futuriste ? Comment les événements passés peuvent-il servir une description du futur ? 


Comparaison Flaubert-Druillet : « l’esprit » et « la lettre » 

Extraits 1 et 2

1 – Observations : Druillet fait des coupes franches dans le texte de Flaubert. Mais les citations sont presque intégralement reproduites dans l’extrait 1. 

Dans l’extrait 2, les dialogues et plus généralement le discours rapporté (direct ou indirect) sont tronqués ou modifiés. Ils sont oralisés. 

Nombre de cases, de vignettes, parfois une planche entière n’ont pas un seul récitatif ni phylactères. 

Commentaires 
 Il est presque impossible dans le cadre d’une BD de citer intégralement un roman. Il n’y a pas de cas de BD qui reprendrait intégralement le texte. Pour les raisons simples que d’une part la BD serait trop volumineuse et que d’autre part l’image et le texte se répèteraient.

2 – Observations : Les descriptions ne sont pas interprétées à la lettre. Mais la richesse des couleurs vives propre à l’orientalisme et la luxuriance des scènes de banquet et de débauche, de même que les représentations guerrières hyperboliques (armures, armes, attributs guerriers, soldats en grand nombre, etc.) propre à l’épopée sont respectés.  

Commentaires 
Le principe de l’adaptation de Druillet repose sur la transposition étrange et exceptionnelle de l’orientalisme au futurisme. L’histoire orienté vers la description du passé se retrouve projetée dans une représentation du futur. 

Comparer cette adaptation avec la suivante (Taratarin de Tarascon) : c’est bien différent. 

Conclusion : Il faudra donc qu’en notre tour viendra d’adapter "La Morte amoureuse" de Théophile Gaultier tâcher de trouver des solutions pour découper le texte, tout en gardant « l’esprit » du texte. 

Questions : Qui est l’auteur de Salammbô finalement ? De L’étranger ? Du rapport de Brodeck ? De Tartarin de Tarascon ?






IV -  Extrait d'entretien : 
  • France info "culture box" : « Rencontre avec Philippe Druillet : les secrets de sa BD "Salammbô" d'après Flaubert et de son exposition » (extraits) par Jacky Bornet @Culturebox (Journaliste, responsable de la rubrique Cinéma de Culturebox) publié le 07/10/2017 

Comment vivez-vous ce mystère dans votre processus de création ?

J’ai créé, par exemple, le personnage de Lone Sloane. Je sais qui il est et je ne sais pas qui c’est. Quand tu créés un personnage, que tu le construis vraiment, à un moment, tu es à la remorque, tu ne peux pas lui faire dire certaines choses, tu es à la traîne de ce que tu as inventé. C’est un mystère qui me perturbe encore, et la notion du doute m’est très importante. Je me dis, "ça c’est bien, mais est-ce que je vais m’en sortir ?" C’est important, car tu dois assumer, il faut que tu fasses un bon boulot. C’est prodigieux, car le doute implique une exigence totale.
(…)
Comment vous est venue l’idée d’adapter "Salammbô" de Gustave Flaubert, qui relève de la littérature classique française, dans un univers de science-fiction, avec votre héros emblématique Lone Sloane, identifié à Mathô dans le roman ?

C’est comme pour "L’Enfer" de Dante, que je prépare en ce moment, où Dante sera Sloane.

Oui, mais chez Dante, il y a l’Enfer, un univers plus proprement fantastique, alors que dans "Salammbô" on a affaire à l’Histoire, les guerres puniques.

Oui, mais je vais le transposer dans l’espace, si j’y arrive, parce que là j’ai attaqué au crayon, mais l’encre de chine, c’est une autre affaire. C’est une œuvre classique, tout le monde le sait, mais quand tu créés un personnage, il t’échappe, et quoi qu'il m’arrive, comme refaire de la BD, en adaptant maintenant Dante, j’ai besoin de ce personnage, je ne peux pas m’en séparer, il n’y a rien à faire, j’en reviens toujours à Sloane. 

Mais pour revenir à "Salammbô", vous vous êtes levé un matin en vous disant, " Tiens, je vais me faire ‘Salammbô’" ?

C’est très simple, j’étais très copain avec Philippe Paringaux (journaliste et écrivain, NDLR), j’avais fini "Gail" et je cherchais quelque chose. Je me disais qu’après "La Nuit", j’avais tout dit en BD, tu t’arrêtes et tu passes à autre chose. Non ! La drogue de la BD ! Et Philippe (Paringaux) me dit, "Tu as lu ‘Salammbô’ ?" Je lui réponds "non" et à chaque déjeuner, il me relançait. Donc je suis allé dans une librairie acheter "Salammbô", et je lis la première page qui est de la bombe atomique. Je retrouve Philippe dans la foulée et je lui dis : "Espèce d’enfoiré, tu as gagné, et j’attaque". J’ai mis sept ans à finir "Salammbô".

Le roman est déconsidéré par l’intelligentsia qui le voit comme mineur, inférieur à "Madame Bovary" parce qu’en France on aime bien les histoires de placard et de portes qui claquent, alors que c’est un roman absolument incroyable. Je me suis lancé là-dedans, et je n’en sortais plus, imbibé, absorbé. Puis je me suis souvenu de la phrase de Flaubert, disant, "Je plains le peintre qui dessinera le portrait d’Hamilcar (chef des armées carthaginoises dans le roman, NDLR)". Et j’ai compris ce qu’il voulait dire. Il n’y avait rien sur Carthage à l’époque. A part un vague rapport sur les guerres puniques, il ne reste rien. Et quand j’ai fini le troisième tome, après une telle effervescence, j’étais dans un manque total. J’en suis même arrivé, dans le texte à faire du faux Flaubert, me disant que j’allais me faire allumer, et personne n’a rien vu.

A l’époque (1862), il y a eu un merchandising hallucinant autour de ce livre : peintures, sculptures, pièces de théâtre, opéras, puis deux films italiens et un film français.

Après la BD, j’ai participé à des conférences autour du roman, au musée du Louvre et ailleurs, j’avais fait Pivot ("Apostrophes") grâce à Jeanne Moreau qui était une amie que j’aimais beaucoup. Et je suis invité chaque année, ou tous les deux ans pour les anniversaires de Flaubert. Et à l’une de ces occasions, j’ai découvert le travail de découpage de Flaubert sur "Salammbô". Surprise : c’est exactement le même que le mien ! Il y a deux colonnes où il y a marqué : "puissance", "force", "calme", "amour", "violence", "bataille". Et dans mon adaptation, j’ai fait pareil.

https://culturebox.francetvinfo.fr/livres/bande-dessinee/philippe-druillet-parle-de-son-salammbo-de-flaubert-en-bd-et-de-son-exposition-263109

V - Pratique du dessin :

a - Lire chapitre 2 du Traité de dessin d'Alfred-Georges Regner "Blanc sur noir ou noir sur blanc"

« Quand le trait est pris sur le champ de l'image, le dessin est dit : blanc sur noir.
Quand le trait est englobé dans l'objet, le dessin est dit : noir sur blanc. »

Exemple  : examinez ces deux planches  (David B,  L'ascension du haut-mal et Li-Chin Lin, Formosa




b - Faites le portrait de profil de votre voisin, une première fois "blanc sur noir", une deuxième fois "noir sur blanc".

c - Choisissez un motif de votre invention, dessinez une première fois "blanc sur noir", une deuxième fois "noir sur blanc".

d - Faites le "portrait en pied" (personne représentée de la tête au pied) d'un de vos camarades en dessinant "d'ensemble" comme le chapitre III du Traité de dessin de Alfred-Georges Régner le conseille. 

- dessiner un cadre. Le motif doit toucher le cadre en haut et en bas.
- dessiner votre modèle en pied.
- dessiner d'ensemble : sans vous soucier des détails, le vide doit avoir autant d'importance que le plein.

 
Exercice précédent : Quelle était la dernière vignette ? 







Saturday, September 19, 2020

Cours n°2 Le rapport Brodeck de Philippe Claudel adapté par Manu Larcenet

1 - Qu'est-ce que le 9 ème art ? 

Le 9 ème art est une expression qui désigne la Bande-dessinée. Elle fait référence à un classement arbitraire des arts traditionnels (architecture, sculpture, peinture, musique, poésie) auxquels on a ajouté des arts plus récents (le 6ème art pour les arts de la scène comme le théâtre, le 7ème pour le cinéma, le 8ème art pour les arts médiatiques).

2 - Pourquoi Ferrandez a-t-il choisi de transposer en Bande-dessinée l'Étranger de Camus ? 

Outre le fait que L'Étranger est un monument de la littérature, Ferrandez partage avec Camus une mémoire commune, celle de l'Algérie française (avant l'indépendance de 1962) et des "Pieds-noirs", ces Européens qui vivaient en Algérie depuis plusieurs générations. Sa grand-mère était de la même génération que la mère de Camus. Sa famille vivait dans la même rue d'Alger que celle de Camus. Enfin, Ferrandez avait déjà travaillé sur une longue bande-dessinée qui se passait également en Algérie. Il bénéficiait d'une documentation déjà bien fournie. 

3 - Comparons le roman l'Étranger et son adaptation (Correction de l'exercice de comparaison)

Certains éléments sont communs au roman et à l'adaptation : 
- la narration littérale est respectée 
- quelques éléments du rythme également fidèles ("les quatre coups brefs sur la porte du malheur")

Mais l'adaptation ne peut pas traduire l'ensemble du texte.  
- présence de métaphores difficiles à traduire graphiquement.  
- allusion aux mythes grecs.

Si certains éléments sont (presque) intraduisibles, comment s'y prend Ferrandez ?
   

- Ferrandez doit trouver des équivalents graphiques (usage de l'aquarelle pour les paysage fortement ensoleillé, le cadrage pour traduire le malaise et l'inquiétude du personnage, la répétition d'un même motif pour insister sur le rythme)


 




1 - Deux extraits du roman Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel

2 - Deux extraits de l'adaptation du roman par Manu Larcenet

3 - Deux extraits d'entretiens accordés à la presse : 
  • Dans la revue l'Express : https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
  • Dans le journal Libération : https://next.liberation.fr/livres/2016/06/10/le-rapport-de-brodeck-larcenet-dessine-l-indicible_1458673
4 - Un exercice pratique à partir d'une planche de Duel de Renaud Farace












Pourquoi cette histoire vous intéressait-elle?  
Il y avait d'abord cette ambiance, très humide, crasseuse, qu'il me plaisait de dessiner. Je pensais à certains albums de Tardi, j'avais envie d'essayer un format à l'italienne, donc l'ensemble collait bien. Et puis il y avait le contenu même du livre. Pas tant l'histoire de Brodeck lui-même d'ailleurs, car j'avais l'impression qu'on avait déjà lu beaucoup sur les camps. Mais l'Anderer, cet artiste un peu bizarre, seul contre la foule, qui arrive dans un village et va se faire massacrer, je n'ai pas pu m'empêcher de m'y identifier!  https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Cette thématique ne paraît d'ailleurs pas anodine dans le contexte post-Charlie...  
Evidemment, même si le roman a été écrit bien plus tôt, et que moi-même j'ai commencé l'adaptation avant les attentats. Mais il est certain qu'en travaillant dessus le rapprochement m'est apparu. Oui, il y a un pouvoir du dessin, et on a bien noté que pour quelques gribouillis on pouvait se faire tuer. Le thème de l'étranger s'est aussi imposé à moi depuis la crise des migrants. Je sens bien qu'il y a un resserrement des gens sur eux-mêmes, une méfiance, une peur de l'autre. 
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Dans toutes ces oeuvres, vous proposez à chaque fois un style graphique différent. Est-ce par défi artistique?  
Non, c'est plutôt pour ne pas sombrer dans l'ennui! Avec la famille, le dessin est la seule chose qui me tient dans la vie, je ne veux pas qu'il soit source de monotonie. Donc il faut éviter de refaire, ouvrir de nouvelles voies. En ce moment, j'ai envie de raconter des choses dures, mais avec une forme légère, quelque chose qui soit plus proche de Hergé ou de Chris Ware. Et tant pis si je ne sais pas faire! Je n'ai pas peur de l'imperfection.  
Dans l'art, il n'y a rien de plus beau que l'accident, celui qui fait que quelque chose arrive sans crier gare. Même dans le dessin, il faut de l'imprévu. Si tu pousses trop loin ton crayonné, il sera magnifique, mais tu ne retrouveras pas ce mouvement en l'encrant. Plus on laisse de place à l'improvisation, plus on s'autorise à avancer sur un territoire qu'on ne soupçonnait pas. Tu t'écoutes et tu te dis: "Qu'est-ce que j'ai envie de faire?" Un dessin peut changer la courbe d'un récit.  
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Il y a dix ans, un journaliste m'avait demandé la différence entre l'art et l'artisanat. Dans la famille de mon père, on était artisans potiers, donc je savais que l'artisanat, c'était reproduire cent fois le même geste, en exigeant cent fois le même résultat.  
L'art, en revanche, c'est faire cent fois le même geste en espérant cent fois un résultat différent. J'étais fier de ma phrase jusqu'à ce que je découvre, quelques années plus tard, que Freuddéfinissait la folie comme le fait de faire toujours la même chose en attendant un résultat différent. J'avais la même définition pour l'art et la folie! Ça fait réfléchir... 
Il faudrait donc être fou pour être artiste?  
Pour être authentique, je crois que l'art doit en effet être assez proche de la folie. Pour que la lumière rentre, il faut être un peu fêlé. Mon camarade Ferri, avec qui j'ai travaillé sur Le Retour à la terre, pense que c'est lié à l'enfance, à un manque, un défaut de communication. Sinon on n'aurait pas besoin de chercher à parler aux gens à travers l'humour, les traits, la couleur... Je suis d'accord avec lui.  
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html

Biobibliographie 

Né en 1969 à Issy-les-Moulineaux, Emmanuel Larcenet suit des études de graphisme au lycée de Sèvres, avant de faire ses débuts dans la bande dessinée en 1994 à Fluide glacialRemarqué pour son travail sur Les Cosmonautes du futur et Donjon Parade avec son complice Lewis Trondheim, il s'impose auprès du grand public à partir de 2002 avec Le Retour à la terremais surtout avec la tétralogie du Combat ordinaire (prix du meilleur album au festival d'Angoulême en 2004, 600000 exemplaires vendus).  
La consécration critique arrive avec Blastchef-d'oeuvre de la bande dessinée contemporaine, dont le deuxième volet est sacré meilleur album de l'année par Lire en 2011. L'an passé, Manu Larcenet se lançait dans l'adaptation du Rapport de Brodeckaventure saluée par le prix Landerneau BD.  
Technique 
A partir de Blast, accentué dans le Rapport de Brodeck, il a préféré se mettre à la mise en place, aux dessins épars sur de grandes feuilles où il mélange les techniques, qu’il coupe ensuite éventuellement et recompose à l’ordinateur. Cela donne un dessin incroyablement libre et en même temps maîtrisé, dans un noir et blanc intense, voire oppressant (1). Le lecteur peut se retrouver écrasé par la beauté des paysages, la noirceur des regards et la gravité du sujet. On lui avoue que, malgré l’entretien approchant, il nous a fallu trois jours pour oser ouvrir l’album, pour attendre d’être dans une bonne configuration d’esprit. Il s’en amuse, il trouve que c’est bien plus dur de se jeter dans Blast, série dont il a tout autant envie de parler.
  • https://next.liberation.fr/livres/2016/06/10/le-rapport-de-brodeck-larcenet-dessine-l-indicible_1458673
Exercice pratique :

Voici une planche (page 44) extraite d'une adaptation par Renaud Farace de la nouvelle de Joseph Conrad Duel. Il manque une vignette : à vous de la dessiner. Essayez autant que possible de respecter le style du dessinateur.

Travail pour la semaine prochaine : comparez le deuxième extrait du Rapport de Brodeck avec son adaptation (points communs, différences, difficultés, pourquoi ?).












Wednesday, September 2, 2020

Cours n°1 : L'Étranger d'Albert Camus adapté par Jacques Ferrandez


Préambule
  • Pourquoi appelle-t-on la BD "9ème art"?
  • Quels rapports la BD entretient-elle avec les autres arts ? (Le dessin, la littérature et le cinéma en particulier)
Lecture comparée : 2 extraits de
  • L'Étranger de Camus
  • L'Étranger adapté par Jacques Ferrandez
Éléments d'analyse :
  • Interviews de Jacques Ferrandez
  • Le vocabulaire de la bande dessinée

Exercice pratique : La micro-bio
  • Réalisez vous-même une micro-bio en vous inspirant de celle de 24h01 incluant un autoportrait graphique et une petite note biographique.

Travail pour la semaine prochaine : 
  • Comparez le deuxième extrait du roman L'Étranger : la scène du meurtre. Quels sont les points communs ? Quelles sont les différences ? Quelles sont les difficultés que Ferrandez a rencontrées en adaptant cet extrait ? 




Commentaires de Jacques Ferrandez : l'Incipit

« Impossible de ne pas reprendre le célèbre incipit du roman : “Aujourd'hui, Maman est morte.”Mais je ne savais pas comment l'installer dans le récit. Je ne souhaitais pas garder de voix off : c'est de la bande dessinée, il faut dialoguer les situations pour les rendre vivantes. J'ai donc dû trouver une astuce. Albert Camus m'a fourni la solution : son héros s'assoupit dans le bus, quelques pages plus loin. J'ai profité de cette situation pour opérer un retour en arrière dialogué, et conserver ensuite cette forme de narration. J'ai choisi de faire de Meursault un homme jeune. Pour moi, L'Etranger est un roman sur la jeunesse, il pointe un refus du mensonge et des règles de la société. J'ai pensé à James Dean ou Gérard Philippe pour créer mon héros. Comme je dessine l'intrigue au fur et à mesure, mon trait évolue : au début, je cherche mes personnages, je peine à les rendre ressemblants d'une case à l'autre. Cela va finalement bien à Meursault, qui est si difficilement cernable... » Télérama.fr  





Commentaires de Jacques Ferrandez : "le meurtre"


Comment avez-vous procédé pour adapter cette oeuvre?
Je l’avais relue en travaillant sur Carnets d’Orient: je me souvenais d’une écriture blanche qui tient son lecteur à distance, qui rend l’empathie pour Meursault difficile. J’ai donc lu à nouveau L’Étranger, en cherchant les scènes-clés. Il y a notammentcelle du meurtre, qui pose le plus de problèmes à l’adaptateur. Meursault assassine un Arabe, toutefois l’épisode n’a pas de connotation politique. La victime, je l’ai d’abord dessinée sous les traits d’un homme moustachu, sombre, hostile, mais cela ne fonctionnait pas. J’ai pensé à Pasolini, et j’en ai finalement fait un beau mec, presque un double de Meursault. Une sorte de rapport trouble amour-haine… Je me suis aussi questionné sur le type de narration à adopter : fallait-il garder le monologue à la première personne, qui fonctionne difficilement en BD ? J’ai gardé l’introduction par le narrateur, avant de glisser vers des dialogues.


«Pour moi, adaptateur de L'Étranger en images, la scène du meurtre était cruciale. J'ai beaucoup tourné autour. Il était hors de question de faire glisser le sens du texte du côté de la guerre d'Algérie ou pourquoi pas de l'OAS. L'Arabe, pour moi, n'est pas l'ennemi de Meursault, mais son double. Ce qui se passe entre les deux, dans cet épisode étrange, sur une plage écrasée par le soleil, c'est: “Je t'aime, je te tue.”» 

http://www.lefigaro.fr/livres/2013/04/11/03005-20130411ARTFIG00423-camus-la-ferveur-de-jacques-ferrandez.php

L’Etranger, roman et bande dessinée

Albert Camus, L’Etranger, 1942
Jacques Ferrandez,L’Etranger, d’après l’oeuvre d’Albert Camus, Gallimard, collection « Fétiche », 2013



●  Jacques FERRANDEZ 

Eléments de biographie :

Jacques Ferrandez  est un auteur de bande dessinée (scénariste et illustrateur) français.

Né à Alger en 1955, il n’y a vécu que quelques mois.

En 1987, il commence la série Carnets d'Orient, dix volumes qui relatent la saga d'une famille de pieds-noirs des années 1830 à la fin des années 1950. Une vaste documentation lui a permis de restituer les villes et paysages de l’époque coloniale.

En 2009, il adapte un premier texte de Camus, L’Hôte, une nouvelle extraite de L’Exil et le royaume.

En 2013, pour le centenaire de la naissance de Camus, il adapte L’Etranger.

«L'Étranger est une histoire qui se déroule à Alger dans quelques lieux très définis. Puisque je possède une certaine connaissance de la ville, il était très intéressant pour moi de restituer à la fois l'ambiance de l'époque et l'esprit des lieux.» (Le Figaro.fr, 11.04.2013)

« Beaucoup de choses, et depuis longtemps en effet, me lient à Camus. Il me semble que j’ai grandi avec. Je suis né dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger, et mes grands parents avaient un petit magasin de chaussures au 96 rue de Lyon. Albert Camus a passé toute son enfance et son adolescence au 93, en face. Ma grand-mère paternelle et sa mère étaient de la même génération. D’origine espagnole toutes deux, elles se connaissaient en tant que voisines. » 



● La technique

« Là, j’ai au contraire assumé mes particularités : de grands paysages, l’utilisation de doubles pages, des aquarelles lumineuses… » www.bodoi.info

« Les couleurs sont évidemment importantes, puisqu'elles traduisent la lumière. Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'Afrique du Nord, je me suis inspiré des peintres orientalistes. Mais c'était trop vif, criard. J'ai opté pour des teintes plus douces, qui montrent mieux l'aveuglement généré par le soleil. » Télérama.fr

« Il était donc essentiel de montrer à quel point la chaleur baigne toute l'histoire, jusqu'au malaise. Elle constitue le fil rouge de ce récit. Il m'a fallu faire passer un sentiment d'écrasement. Je représente un soleil presque enfantin, très codifié. J'utilise là un vocabulaire très « ligne claire », qu'on peut retrouver chez Hergé – notamment lorsqu'il montre le Capitaine Haddock saoul, ou le Professeur Tournesol en pleine confusion : des spirales, des gouttes... » Télérama.fr

LE VOCABULAIRE DE LA BANDE DESSINÉE

Planche : ensemble des cases figurant sur la même page
Stripou bande : suite de trois ou quatre cases disposées horizontalement
Caseou Vignette : unité de base de la bande dessinée, portion d’espace isolée par du blanc et clôturée par un cadre au sein d’une planche

Cadre : ligne entourant chaque vignette
Incrustation : mécanisme par lequel un ou plusieurs cadres sont intégrés dans un autre cadre.
Bulle (philactère) : espace réservé au dialogue ou à la pensée des personnages à l’intérieur de la vignette
Récitatif : texte de commentaire imputable au narrateur
Espace inter-iconique ou inter-images ou inter-cases : espace séparant deux cases de bande dessinée ; le mot peut désigner par extension les images sous-entendues, les ellipses narratives.

Lettrage : écriture manuelle du texte et des onomatopées
source :http://expositions.bnf.fr/bd/reperes/glossaire.htm#plan




Le Robinet de Brancusi par groupe et par chapitre

Chapitre 1 vu par  Henri, Yanis, Adrienne  Le scénario est bien tourné. Le dessin est maîtrisé, homogène et la couleur équilibrée. Ensembl...