Saturday, September 19, 2020

Cours n°2 Le rapport Brodeck de Philippe Claudel adapté par Manu Larcenet

1 - Qu'est-ce que le 9 ème art ? 

Le 9 ème art est une expression qui désigne la Bande-dessinée. Elle fait référence à un classement arbitraire des arts traditionnels (architecture, sculpture, peinture, musique, poésie) auxquels on a ajouté des arts plus récents (le 6ème art pour les arts de la scène comme le théâtre, le 7ème pour le cinéma, le 8ème art pour les arts médiatiques).

2 - Pourquoi Ferrandez a-t-il choisi de transposer en Bande-dessinée l'Étranger de Camus ? 

Outre le fait que L'Étranger est un monument de la littérature, Ferrandez partage avec Camus une mémoire commune, celle de l'Algérie française (avant l'indépendance de 1962) et des "Pieds-noirs", ces Européens qui vivaient en Algérie depuis plusieurs générations. Sa grand-mère était de la même génération que la mère de Camus. Sa famille vivait dans la même rue d'Alger que celle de Camus. Enfin, Ferrandez avait déjà travaillé sur une longue bande-dessinée qui se passait également en Algérie. Il bénéficiait d'une documentation déjà bien fournie. 

3 - Comparons le roman l'Étranger et son adaptation (Correction de l'exercice de comparaison)

Certains éléments sont communs au roman et à l'adaptation : 
- la narration littérale est respectée 
- quelques éléments du rythme également fidèles ("les quatre coups brefs sur la porte du malheur")

Mais l'adaptation ne peut pas traduire l'ensemble du texte.  
- présence de métaphores difficiles à traduire graphiquement.  
- allusion aux mythes grecs.

Si certains éléments sont (presque) intraduisibles, comment s'y prend Ferrandez ?
   

- Ferrandez doit trouver des équivalents graphiques (usage de l'aquarelle pour les paysage fortement ensoleillé, le cadrage pour traduire le malaise et l'inquiétude du personnage, la répétition d'un même motif pour insister sur le rythme)


 




1 - Deux extraits du roman Le Rapport de Brodeck de Philippe Claudel

2 - Deux extraits de l'adaptation du roman par Manu Larcenet

3 - Deux extraits d'entretiens accordés à la presse : 
  • Dans la revue l'Express : https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
  • Dans le journal Libération : https://next.liberation.fr/livres/2016/06/10/le-rapport-de-brodeck-larcenet-dessine-l-indicible_1458673
4 - Un exercice pratique à partir d'une planche de Duel de Renaud Farace












Pourquoi cette histoire vous intéressait-elle?  
Il y avait d'abord cette ambiance, très humide, crasseuse, qu'il me plaisait de dessiner. Je pensais à certains albums de Tardi, j'avais envie d'essayer un format à l'italienne, donc l'ensemble collait bien. Et puis il y avait le contenu même du livre. Pas tant l'histoire de Brodeck lui-même d'ailleurs, car j'avais l'impression qu'on avait déjà lu beaucoup sur les camps. Mais l'Anderer, cet artiste un peu bizarre, seul contre la foule, qui arrive dans un village et va se faire massacrer, je n'ai pas pu m'empêcher de m'y identifier!  https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Cette thématique ne paraît d'ailleurs pas anodine dans le contexte post-Charlie...  
Evidemment, même si le roman a été écrit bien plus tôt, et que moi-même j'ai commencé l'adaptation avant les attentats. Mais il est certain qu'en travaillant dessus le rapprochement m'est apparu. Oui, il y a un pouvoir du dessin, et on a bien noté que pour quelques gribouillis on pouvait se faire tuer. Le thème de l'étranger s'est aussi imposé à moi depuis la crise des migrants. Je sens bien qu'il y a un resserrement des gens sur eux-mêmes, une méfiance, une peur de l'autre. 
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Dans toutes ces oeuvres, vous proposez à chaque fois un style graphique différent. Est-ce par défi artistique?  
Non, c'est plutôt pour ne pas sombrer dans l'ennui! Avec la famille, le dessin est la seule chose qui me tient dans la vie, je ne veux pas qu'il soit source de monotonie. Donc il faut éviter de refaire, ouvrir de nouvelles voies. En ce moment, j'ai envie de raconter des choses dures, mais avec une forme légère, quelque chose qui soit plus proche de Hergé ou de Chris Ware. Et tant pis si je ne sais pas faire! Je n'ai pas peur de l'imperfection.  
Dans l'art, il n'y a rien de plus beau que l'accident, celui qui fait que quelque chose arrive sans crier gare. Même dans le dessin, il faut de l'imprévu. Si tu pousses trop loin ton crayonné, il sera magnifique, mais tu ne retrouveras pas ce mouvement en l'encrant. Plus on laisse de place à l'improvisation, plus on s'autorise à avancer sur un territoire qu'on ne soupçonnait pas. Tu t'écoutes et tu te dis: "Qu'est-ce que j'ai envie de faire?" Un dessin peut changer la courbe d'un récit.  
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html
Il y a dix ans, un journaliste m'avait demandé la différence entre l'art et l'artisanat. Dans la famille de mon père, on était artisans potiers, donc je savais que l'artisanat, c'était reproduire cent fois le même geste, en exigeant cent fois le même résultat.  
L'art, en revanche, c'est faire cent fois le même geste en espérant cent fois un résultat différent. J'étais fier de ma phrase jusqu'à ce que je découvre, quelques années plus tard, que Freuddéfinissait la folie comme le fait de faire toujours la même chose en attendant un résultat différent. J'avais la même définition pour l'art et la folie! Ça fait réfléchir... 
Il faudrait donc être fou pour être artiste?  
Pour être authentique, je crois que l'art doit en effet être assez proche de la folie. Pour que la lumière rentre, il faut être un peu fêlé. Mon camarade Ferri, avec qui j'ai travaillé sur Le Retour à la terre, pense que c'est lié à l'enfance, à un manque, un défaut de communication. Sinon on n'aurait pas besoin de chercher à parler aux gens à travers l'humour, les traits, la couleur... Je suis d'accord avec lui.  
https://www.lexpress.fr/culture/livre/manu-larcenet-pour-etre-authentique-l-art-doit-etre-proche-de-la-folie_1818506.html

Biobibliographie 

Né en 1969 à Issy-les-Moulineaux, Emmanuel Larcenet suit des études de graphisme au lycée de Sèvres, avant de faire ses débuts dans la bande dessinée en 1994 à Fluide glacialRemarqué pour son travail sur Les Cosmonautes du futur et Donjon Parade avec son complice Lewis Trondheim, il s'impose auprès du grand public à partir de 2002 avec Le Retour à la terremais surtout avec la tétralogie du Combat ordinaire (prix du meilleur album au festival d'Angoulême en 2004, 600000 exemplaires vendus).  
La consécration critique arrive avec Blastchef-d'oeuvre de la bande dessinée contemporaine, dont le deuxième volet est sacré meilleur album de l'année par Lire en 2011. L'an passé, Manu Larcenet se lançait dans l'adaptation du Rapport de Brodeckaventure saluée par le prix Landerneau BD.  
Technique 
A partir de Blast, accentué dans le Rapport de Brodeck, il a préféré se mettre à la mise en place, aux dessins épars sur de grandes feuilles où il mélange les techniques, qu’il coupe ensuite éventuellement et recompose à l’ordinateur. Cela donne un dessin incroyablement libre et en même temps maîtrisé, dans un noir et blanc intense, voire oppressant (1). Le lecteur peut se retrouver écrasé par la beauté des paysages, la noirceur des regards et la gravité du sujet. On lui avoue que, malgré l’entretien approchant, il nous a fallu trois jours pour oser ouvrir l’album, pour attendre d’être dans une bonne configuration d’esprit. Il s’en amuse, il trouve que c’est bien plus dur de se jeter dans Blast, série dont il a tout autant envie de parler.
  • https://next.liberation.fr/livres/2016/06/10/le-rapport-de-brodeck-larcenet-dessine-l-indicible_1458673
Exercice pratique :

Voici une planche (page 44) extraite d'une adaptation par Renaud Farace de la nouvelle de Joseph Conrad Duel. Il manque une vignette : à vous de la dessiner. Essayez autant que possible de respecter le style du dessinateur.

Travail pour la semaine prochaine : comparez le deuxième extrait du Rapport de Brodeck avec son adaptation (points communs, différences, difficultés, pourquoi ?).












No comments:

Post a Comment

Le Robinet de Brancusi par groupe et par chapitre

Chapitre 1 vu par  Henri, Yanis, Adrienne  Le scénario est bien tourné. Le dessin est maîtrisé, homogène et la couleur équilibrée. Ensembl...